HORIZONS LIES
Europan 18
Clermont-Ferrand (63)

Concours d’architecture et d’urbanisme
Projet lauréat

Avec : Sylvain Jouve, architecte, photographe, ancien habitant & Sophie Tillier, paysagiste conceptrice

Du quartier monofonctionnel isolé…
Les 24 immeubles ou 909 appartements locatifs sociaux des « groupes Fontaine du Bac, la Sarre, Les Landais » ont été construits au milieu des champs au début des années 1970. Ils ont répondu à une demande de logements pour des foyers plutôt familiaux, salariés et véhiculés avec
une conception moderne du confort, et un rapport sans nuance entre le foyer et son environnement.
Une double boucle – la rue de la Fontaine du Bac – et la contre-allée de la rue de la Gantière ont raccordé le quartier aux routes de campagne qui le délimitent, au nord et à l’est. Entre la voirie et les bâtiments, pelouses, arbres et arbustes dessinent un espace résultant
ornemental.

… aux nouveaux horizons métropolitains
Depuis, de nouvelles centralités se sont développées : le pôle commercial et tertiaire de la Pardieu à l’est, et le campus universitaire des Cézeaux, au sud-ouest. L’A75, les lignes de transports urbains A et C et la gare de la Pardieu complètent la desserte de la N89 permettent
l’accélération et l’intensification de l’accès aux ressources.
La diversité des âges, des compositions de foyers et des cultures ancrent le quartier dans une sociologie métropolitaine.

Cependant, la conception centripète, la fonction résidentielle univoque, une forte pente à l’ouest, une rupture de la trame viaire au sud, un manque de qualification des entrées du quartier et un paysage de fonds de parcelles pavillonnaires ou commerciales le maintiennent dans une situation paradoxale. La Fontaine du Bac est à la fois ouverte sur le grand paysage, au coeur de Clermont Auvergne Métropole, et en marge
de son environnement immédiat.

Le risque de marginalisation économique – retraites incertaines, verrouillage des mobilités sociales, difficultés d’accès au marché du travail et au premier logement, concentration des richesses – les bouleversements écologiques et les besoins spécifiques liés au renouvellement des générations appellent de nouveaux outils pour mener un diagnostic critique et faire émerger les transformations attendues.

Alors, comment ouvrir de nouveaux horizons aux habitants qui leurs permettent de se lier aux ressources matérielles et immatérielles du territoire, de la métropole, du quartier et de leur habitat ?

Engager le quartier dans un cercle vertueux La mise en réseau des moteurs citoyens, des planificateurs, des facilitateurs et des faiseurs permet l’expression des désirs, des opportunités et des compétences. Cette émulation permet la hiérarchisation des priorités préalable à l’activation, ou non, de projets.

Une nécessaire ré-orientation des ressources
La construction des grands ensembles émane du modernisme et de la technocratie. Cette source de jouvence, ou source pétrifiante, a fait ruisseler grande échelle, héliotropisme, égalitarisme, fonctionnalisme, séparation des flux, soleil et verdure depuis les lieux de pouvoir, vers les habitants. Ce qui a permis la  construction du quartier ne nous est plus offert. Et un fonctionnalisme trop simplificateur a valorisé le consumérisme aux dépens de l’autonomie des habitants.
Remonter à la source du modernisme, c’est remettre en question la tradition de manière systématique. Source curative, il appelle un examen critique pour répondre aux enjeux qui sourdent : démographiques, écologiques, et économiques.
Un modèle alternatif, résilient et émancipateur peut se développer avec des cultures de mutualisation et de revalorisation du « déjà-là ».
Heureusement, de nouveaux gisements de matériaux et d’expertises, démocratiques, locaux et soutenables, sont accessibles. Au coeur du quartier, une table de ré-orientation révèle ces ressources.

Un conseil de quartier peut être relancé. Il pourrait sourcer les besoins des habitants à des moments clés, tels que le festival «Bac in town» ou les rencontres sportives, dans des lieux clés comme la Maison de quartier, l’école, la crèche ou l’arrêt de tramway, et auprès d’acteurs clés,
comme la Confédération Nationale du Logement, le Clermont Métropole FC ou le collectif des assistantes maternelles.
Dans un premier temps court, des propositions peu coûteuses et immédiatement appropriables initient une culture coopérative. Une délégation d’autorité d’Assemblia aux habitants pourrait engager une autonomisation pour :
– habiter : des travaux d’aménagement ou de modification des appartements sont autorisés,
– cultiver : des potagers familiaux sont proposés,
– se rassembler : des moyens sont donnés pour s’approprier les coeurs d’îlot, avec des aménagements,
– désigner : les différents lieux du quartier acquièrent un nom qui reflète un horizon commun, plus précis que « rue de la Fontaine du Bac ».

Ces actions impliquent des moyens, comme la mise à dispositions de lieux et d’outils pour appréhender le montage de projets et les réaliser. «
L’Atelier », tiers-lieu d’apprentissage et de fabrication, peut s’installer au coeur du quartier.
Des outils de démocratie participative agiles permettent leur mise en place, comme le Fonds de participation des habitants, l’observatoire citoyen des transitions et le Conseil municipal des enfants de la Ville de Clermont-Ferrand. Assemblia y concourt avec la médiation des
gardiens, la mise à disposition de locaux de réunion, son expertise de gestion, et poursuit l’expérimentation de son pôle d’urbanisme transitoire.
Le développement du lien social, des cultures de démocratie participative, de mutualisation et d’autogestion engage le quartier dans un cercle
vertueux qui permet de porter des projets plus ambitieux, diversifiés et pérennes.
Le Budget participatif et les Propositions citoyennes de la Ville permettent un saut d’échelle.
L’expérimentation Territoire zéro chômeur est élargie à la Fontaine du Bac et consolide les initiatives entrepreunariales.



Cette démarche implique un développement très ouvert, inconnu. Pour permettre aux aux acteurs d’imaginer les possibles, des typologies d’actions sont figurées à 3 échelles :
– à l’échelle du noyau : des habitats augmentés,
– à l’échelle du groupement : une mosaïque d’unités de voisinages,
– à l’échelle du maillage : un axe connecteur nord-sud

Le noyau
Le parc de logements est attractif. Les appartements sont spacieux, fonctionnels, lumineux, et dotés de vues dégagées. Leur maintenance est irréprochable. Une isolation par l’extérieur récente et le raccordement au réseau de chaleur les rendent économes. Cependant, ces habitats doivent être augmentés.


Pour améliorer leur résilience aux dérèglements climatiques :
– des balcons, loggias ou terrasses apportent ombre et fraîcheur pendant les fortes chaleurs. Si des dièdres entre tours empêchent leur réalisation, des terrasses et des salles partagées donnent accès à l’horizon. Dans cette situation d’écotone, entre le grand air et des intérieurs
confinés, des jardinières, des bacs et des treilles accueillent le vivant, irrigué par les descentes d’eaux pluviales.
– Des dispositifs bioclimatiques – brise-soleil, celliers tampons, abords végétalisés – offrent un rafraîchissement efficace.
– La ventilation naturelle est améliorée par le développement de logements traversants ou la transformation des colonnes de vide-ordures en
cheminées thermiques.
Dans les barres, la desserte des ascenseurs à des demis niveaux est modifiée pour rendre tous les logements accessibles. De nouveaux paliers, éclairés, favorisent la convivialité entre voisins.

La crise du logement est revenue. 3,9 demandes de logement social sont en cours pour une attribution, à Clermont-Ferrand, et le prix des appartements a été multiplié par 2,5 depuis 2000.
Au-delà de l’adaptation de l’existant, la Fontaine du Bac peut jouer un rôle stratégique grâce à sa situation attractive et la maîtrise de son foncier. De nouveaux immeubles ou des surélévations permettent une diversification de l’offre :
– De plus petits logements s’adaptent à la baisse du nombre d’habitants par foyer.
– Des logements réellement adaptés répondent aux besoins de personnes qui ont des problèmes de mobilité.
– Des colocations ouvrent le quartier aux étudiants du campus ou à de personnes âgées qui refusent l’isolement.
– Des artistes découvrent des ateliers sur les toits, dans un paysage de monts, de plaine et de volcans.
Ces opérations économiquement performantes financent de nouveaux services plus déficitaires, à la manière des « conventions de bourg » développées par Assemblia.

Le groupement
Les relations sociales au sein du « village » de la Fontaine du Bac se distendent, et des lieux fédérateurs ont disparu. Une dynamique conviviale doit être relancée. La qualification d’une échelle intermédiaire, composée du groupement de quelques immeubles autour d’un coeur vert ou de pôles d’équipements, favorise les échanges. Leur spécification permet une diversité d’usages qui incite au mouvement, et enrichit le paysage
homogène du quartier.



Les différentes gestions et appropriations dessinent une mosaïque de milieux, gage de résilience pour la biodiversité. La présence renforcée de pleine terre met en réseau des biotopes aujourd’hui proches mais isolés. Les espaces verts et les marges boisées du campus des Cézeaux, les parcs de la Fontaine du Bac et du Creux de l’Enfer et le futur sanctuaire de biodiversité sont reliés par une séquence d’espaces naturels :
le parc sportif Daniel Papillaud, le coteau boisé ou paturé, le verger conservatoire, le parc scolaire Victor Hugo.
Les strates végétales et leur mode de gestion sont diversifiés. Une progression du jardiné au rustique vers la libre évolution est mise en place.

Le sous-étage accueille davantage de couvre-sols, de graminées, de vivaces, de haies biodiverses et libres d’arbrisseaux en cépées. La strate arborée se densifie et tend vers une canopée continue de bosquets, d’arbres tiges, de grimpantes. Ils enrichissent et décompactent en
profondeur les horizons successifs des sols. La désimperméabilisation favorise leur ressourcement. Ils voient le développement de champignons, de mousses et de lichens.

Aux rez-de-chaussée, des façades actives remplacent les murs aveugles. Elles mutualisent des biens utilisés ponctuellement, en co-gestion par les habitants : boîtes à outils, laveries, casiers à colis, ateliers de réparation, bibliothèques et ludothèques, boîtes à dons…
De nouveaux bâtiments polyvalents et évolutifs réunissent en une entité une grande diversité d’usages. Ils ont pour vocation de répondre à ce qu’on ne peut pas trouver dans son appartement :
– des fab-labs, ateliers de menuiserie, de réparation ou de couture développent l’autonomie des habitants. En favorisant l’économie circulaire, la réparation et les échanges, ils renforcent la résilience et ouvrent une alternative au consumérisme :
– des hôtels industriels, artisanaux ou logistiques.
– des espaces de co-working favorables la création d’entreprises et aux professionnels,
– des locaux de stockage pour permettre des changements de vie,
– des centrale d’énergie citoyenne et renouvelable,
– des stationnements en silos pour réorienter les sols vers des enjeux contemporains,
– des installations sportives de proximité.

Le maillage
La Fontaine du Bac, au coeur de la métropole et de grand paysages, présente un paradoxal sentiment d’enclavement.
L’axe principal du quartier relie pourtant deux des principaux axes de transports en commun – les lignes A et C – et deux pénétrantes majeures : la rue de l’Oradou et l’avenue de la Margeride.
Cet axe nord-sud central peut être structuré jouer un rôle de connecteur favorable aux mobilités douces grâce à une piste cyclable, de larges trottoirs et un mail largement planté. 

Il propose de nouveaux services qui ouvrent et enrichissent le quartier :
– une maison de santé articule l’entrée de la rue de la Fontaine du Bac avec la rue de l’Oradou,
– la plus longue barre voit ses deux premiers niveaux restructurés. Des halls traversants permettent de gérer la différence de niveau avec le coeur d’îlot, et donnent un nouvel adressage sur l’axe principal. Une façade active offre des services du quotidien.
– « l’Atelier », tiers-lieu d’autonomisation des habitants, développe les compétences dans un esprit de coopération et d’échanges,
– le centre commercial adresse de nouvelles vitrines sur la rue. Le parking haut devient la place centrale qui, avec son ombrière, favorise la
tenue de marchés, l’installation du bibliobus ou d’une scène du festival Bac in town.
– Les commerces qui ont migré vers la rue laissent la place à une salle des fêtes mutualisable avec la Maison de quartier.

– le stade Daniel Papillaud devient un parc sportif aéré, biodivers. Les vestiaires, une tribune, une guinguette et un modelage de la topographie qualifient les fonds de parcelles et les ruptures. Une tour de ré-orientation donne à lire le paysage et ses nouvelles ressources. Ces petites
aménités et la qualification du paysage donnent enfin le sentiment que le tramway traverse le quartier sans le maintenir dans une situation en impasse. Le mail planté traverse ce parc et qualifie une entrée digne depuis l’avenue de la Margeride.
Cet axe principal nord-sud facilite les connexions pour des traversées fines est-ouest :
– à l’ouest, un large escalier et un ascenseur urbain permettent une ascension confortable du coteau. Ils mènent à un pôle dédié à l’enfance qui comprend le parc scolaire Victor Hugo étendu pour accueillir les écoliers des futurs quartiers, et une crèche. Un parking paysager, une rue pacifiée et un parvis relient ces équipements. En poursuivant l’ascension, une traversée piétonne apaise de l’avenue de la Margeride et se prolonge vers le campus des Cézeaux.
– à l’est, un chemin longe le tramway, et une ouverture profite de l’abandon d’un atelier pour relier le projet Parc sud.