AUTOUR DU JARDIN
Restructuration, extension et création d'une résidence principale et d'une maison d'hôtes
Kairon (50)

Maître d’ouvrage privé
Mandataire : Simon Letondu Architecture
Thermicien : Ecovita
Missions réalisées : programmation / ESQ / AVP / PC / DCE / ACT
Photographies de Nicolas da Silva Lucas

UNE POSTURE CRITIQUE & EVIDENTE

La proximité immédiate de la Manche, dans la baie du Mont-Saint-Michel, est à la fois le principal attrait et la pire menace.
La rupture de la digue entraînerait un fort risque de submersion marine.
Les tempêtes arrachent les arbres. Les vents transportent le sel, le sable, les sifflements, les pluies. Ils éprouvent les habitants et le bâti.
Ville dépeuplée l’hiver, Kairon est assailli l’été. Des flots de voitures, des cris et des barbecues envahissent les jardins et les rues. La recherche de l’horizon pur qu’offre la rencontre du ciel et de la mer laisse alors place à un paysage d’accumulations.
Une nécessité d’adossement contre toutes les limites est ressortie de nos discussions pour répondre à ces menaces sur l’habitabilité du lieu. Nous avons choisi de renoncer à la vue sur la mer. Le dispositif choisi invite à la contempler dans ses seules manifestations célestes.
Puisqu’il faut s’adosser, puisque le jardin est le moment d’appropriation du lieu, nous avons convenu qu’il serait au centre, qu’il fédèrerait les deux maisons, et que toutes les pièces principales s’enrouleraient autour de lui.
Le bâti pré-existant, constitué d’un pavillon, d’un garage, d’une buanderie et d’une remise, est totalement intégré au projet. Il définit trois côtés du jardin clos qui a été réalisé en deux phases de réhabilitation et d’extension, et fait perdurer l’esprit du lieu si cher à l’habitante. Si bien qu’à la fin des travaux, elle fût stupéfaite de ressentir que
sa maison avait «toujours été comme ça».

S’ADOSSER et FAIRE FACE A LA RUE
Dans une logique de représentation sociale, l’entrée, la pièce de réception et la chambre principale de la construction pré-existante donnaient sur la rue, au
nord. Nous avons retourné la « grande maison » pour adapter le bâti aux usages quotidiens. Le projet oriente les pièces principales vers le jardin, au sud.
Seules deux chambres profitent de la fraîcheur de l’orientation opposée. La façade est isolée et opacifiée. Cette adresse silencieuse excite l’imagination
des passants, qui doivent se satisfaire d’une vue suggestive du jardin au travers du claire-voie du porche.
L’intériorisation du jardin par les maisons a constitué une dissociation entre la limite de propriété et la limite d’usage qui a abouti à la suppression de la
clôture pré-existante. Elle a été partiellement remplacée par des gabions de soutènement, sur lesquels se déploieront des plantes grimpantes.
Les limites sont qualifiées comme des seuils. Un simple changement de revêtement de sol permet de signifier l’accès aux piétons et aux voitures.

MARQUER DES SEUILS
De l’asphalte. Des pavés. Du platelage.
Un portail est ouvert dans dans une grille à claire-voie. Une mare glisse dessous.
Un abri. Du mélèze. Le tas de bois.
Et, depuis le début, un muret en gabion accompagne les pas.
Un emmarchement.
En surplomb, une porte. Opaque.
Puis un paillasson, un poêle à bois, un placard, une commode…
Les maisons sont accessibles par toutes les fenêtres. Evidemment. Mais il faut stimuler l’expectative de l’arrivée pour se sentir bien chez soi.

UNE MAISON DE PLUIE
En retrait de la plage, la rivière du Thar menace le quartier de ses crues. Nous nous sommes efforcés de ne pas aggraver ce risque par un dispositif
considérable de rétention des eaux pluviales avec une cuve enterrée, une cuve dans l’abri de jardin et une mare. Ces ouvrages ont été pensés pour le jardin en premier lieu.
Un système de bypass permet la consommation des eaux pluviales par la machine à laver et les toilettes.
La pluie battante, expression des saisons et des marées, est aussi un spectacle.
Les débords de toiture préservent l’habitabilité, et rendent hommage aux impluviums antiques. L’eau qui n’est pas recueillie dans les chéneaux tombe comme un rideau dans
des rivières de galets. Le pourtour du jardin est protégé en tout temps, et invite à sortir pour saisir tous les points de vue. A moins de regarder l’orage au coin du feu, toutes
fenêtres ouvertes.